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Les tentatives de suicide de l'adolescent

 

Le passage à l’acte auto agressif permet d’expulser hors de la psyché le potentiel de destruction qui se trouve être finalement retourné contre le sujet lui même.

 

 

Certains adolescents suicidaires ne cherchent pas réellement à mourir. Une tentative de suicide peut ne pas être animée par un désir de mort. La tentative de suicide fait alors partie des aléas névrotiques de l’adolescence. L’adolescent met rarement sa vie en danger. Cependant la détresse psychique de l’adolescent suicidaire reste toujours intense.

 

La tentative de suicide correspond à l’aboutissement de la décision consciente de se tuer. Quelque soit la cause, la tentative de suicide se caractérise par l’échec d’un suicide.

Bien que distinctes, la problématique des tentatives de suicide est intimement liée à celle des suicides accomplis. L’idée qu’accomplir cet acte, va provoquer sa mort doit être examinée autrement que sous la forme d’automutilations.

La tentative de suicide ne peut être considérée simplement comme témoin du contexte psychopathologique déviant.

La problématique adolescente favorise la propension au suicide, mais la tentative de suicide s’inscrit-elle pour autant dans le processus de ré élaboration psycho- dynamique propre à l’adolescent ?

La tentative de suicide est une des conduites les plus significatives à l’adolescence. Elle signale un conflit intenable, et une impasse dans le développement. Le conflit peut se situer entre dépendance et indépendance, entre différenciation et indifférenciation. etc.…

La tentative de suicide dénote la présence d’un malaise important, c’est un cri de souffrance, de désespoir et d’appel à l’aide. C’est une preuve importante de l’effondrement de l’estime de soi, de la dépression mais elle équivaut aussi à un effort éperdu pour retrouver cette estime. Ce peut être une façon de renaître différent.

La prévalence de l’organisation narcissique reste une base solide quant à l’étiologie de la psychose. Le suicide s’inscrivant comme un des signes de cette pathologie.

Compte tenu du fait que l’adolescence soit une période intense de changements au niveau social, familial, physique et affectif, les risques de tentatives de suicide sont accrues. A l’adolescence il y a des facteurs qui favorisent la tentative de suicide. En effet la manipulation à cette période de l’idée de mort est courante. Cependant même si les adolescents pensent au suicide, ce n’est pas pour autant qu’ils mettent en acte leurs pensées.

La tentative de suicide correspond à un retournement contre soi de la haine primitivement projetée sur l’autre.

Cette rage narcissique prend comme objet le corps de l’adolescent. L’acte suicidaire représente une attaque destructrice de son corps d’autant plus intense que le corps devient le représentant du mauvais objet primaire.

Il existe un clivage complet entre la représentation ou l’image du corps sur laquelle se focalise la haine vouée au mauvais objet primaire et d’un autre côté une représentation idéalisée et grandiose d’un soi nourri par les identifications projectives.

C’est à partir de l’adolescence que l’enfance sécurisante doit être abandonnée, pour prendre une place dans le monde des adultes, dans le monde de ses parents.

 

La tentative de suicide est une attaque destructrice du corps propre. C’est une attaque du corps sexué post pubertaire. Les changements corporels entraînent par ailleurs des bouleversements majeurs de la perception. En effet le corps de l’adolescent ne peut plus servir de référent. A l’adolescence le corps devient irréversiblement masculin ou féminin, il ne peut plus être perçu comme ni l’un ni l’autre ou comme les deux à la fois. Clivage et déni sont au centre de la problématique.

La discontinuité existant entre le corps perçu et le corps imaginaire ou idéal devient chez le futur suicidant trop important.

La problématique concerne le corps réel en opposition avec le corps idéalisé qui est le corps pré pubertaire.

C’est cette rupture entre ces deux images qui permet de comprendre la rareté des tentatives de suicide avant la puberté et leur augmentation à l’adolescence.

La tentative de suicide a pour but de conserver l’image du corps idéal, qui est celui de l’image du corps de l’enfant pré pubère. Le fantasme d’éliminer l’image du corps pubère au profit de la préservation de l’image du corps pré pubère engendre une division de la personnalité et un déni de la réalité de la mort.

Le corps est le lieu de projection de toutes sortes de fantasmes et d’affects dont l’adolescent cherche à se défaire.

Selon Ladame, la tentative de suicide présente un paradoxe dans la mesure ou elle est dirigée contre soi, mais en même temps contre une « autre fantasmatique », détestable et persécutante confondue totalement avec la nouvelle image du corps masculin ou féminin. Le corps est alors le persécuteur par excellence.

Le geste suicidaire traduit selon Ladame une sorte de rencontre entre les difficultés internes de l’adolescent et les événements externes formant une coalition dedans/dehors.

Selon Laufer M. toute tentative de suicide doit être traitée tel un épisode psychotique aigu puisque chaque tentative de suicide correspond à une perte de la faculté de conserver le rapport à la réalité externe.

Néanmoins ce passage à l’acte est tout de même à relativiser pour établir à lui seul un diagnostic de psychose puisqu’à cette période se joue des remises en cause aussi essentielles que dans la psychose. Il est vrai que bien que l’adolescent suicidaire pense être perspicace lors de sa tentative de suicide, il n’a pas de représentation objective de la réalité d’une mort possible. Plusieurs auteurs s’accordent à penser que le moment suicidaire correspond à une défaillance dans les processus de mentalisation, qu’il correspond à un court circuit dans les possibilités d’élaboration psychique.

Ladame reprend les théories de Peter Blos [1] d'après lesquelles l’adolescent représente la seconde phase du processus de séparation et individuation[2].

Selon Ladame « Le moment de la tentative de suicide est toujours un moment profondément psychotique » et elle traduit l’échec dans le second processus de séparation-individuation à l’adolescence. Cet échec trouve sa source suite à une succession de failles dans l’élaboration de la première période de séparation et individuation.

L’excès dans les processus d’identification projective associé à une forte angoisse de séparation entraîne de graves défaillances sur l’axe du narcissisme.

L’adolescent reste trop dépendant des autres et ne peut constituer un sentiment de soi suffisamment stable. L’idéal du moi laisse alors la place à un idéal du moi grandiose auquel  l’adolescent ne peut jamais accéder.

 

Sous un abord plus psychopathologique on remarque que les psychiatres se sont intéressés aux suicides au début du siècle. A cette époque il considérait le suicide comme le symptôme d’une maladie mentale ou alors comme une maladie « suicide ».

A partir des années 1960-80 les études épidémiologiques concernant les suicides à l’adolescence ont modifiées cette conception erronée.

A présent les tentatives de suicide à l’adolescence s’inscrivent dans le cadre de la « crise d’adolescence » et elles ne sont pas forcément associées à un type de pathologie spécifique.

Il s’en est suivi alors une tendance à la banalisation de la tentative suicide.

Le risque est alors accentué parce que l’adolescent tend lui aussi à banaliser son geste.

L’adolescent suicidaire a toujours une histoire passée, un vécu problématique et des conflits antérieures à ses intentions.

Dans les moments qui précédent le « suicide », l’adolescent est soumis à des événements dont l’accumulation provoque chez lui des difficultés d’intégration.

L’adolescent à un profond sentiment de déchéance et ne voit pas de solutions à ses problèmes. L’impression de solitude de l’adolescent liée à l’idée de ne pas avoir d’interlocuteur valable est trop vigoureuse. L’adolescent ressent une souffrance telle qu’il est persuadé que seule la mort peut la soulager. Il pense être dans une impasse. C’est l’accumulation et la croissance de ses problèmes qui lorsqu’ils atteignent un point culminant peuvent engendrer une crise suicidaire. Le suicide s’il n’est pas associé à une pathologie lourde s’inscrit toujours dans une signification préalable.

Baechler a décrit plusieurs significations possibles à la problématique de la tentative de suicide. Les sens sont indépendants de l’âge, mais selon la maturité certains sont plus adéquats que d’autres.

 

Formulons tout d’abord ceux qui aboutissent le plus souvent à une mort réelle.

 

En premier lieu, le suicide peut servir à échapper à une situation éprouvée comme intolérable, il peut correspondre à une fuite et donc à la crainte d’affronter cette situation. C’est d’ailleurs une des raisons de la tentative de suicide qu’Adrien a fait.

Le suicide peut répondre à un deuil douloureux qu’il soit réel ou imaginaire.

Il peut aussi répondre à une tentative expiatoire d’un crime commis.

La tentative de suicide peut être intentionnellement criminelle et ayant pour but d’attenter à la vie d’autrui par sa propre mort.

Voyons à présent d’autres significations qui n’aboutissent pas forcément à la mort du sujet.

Le suicide peut être une réponse à un but de vengeance, il peut être une façon de faire souffrir quelqu’un d’autre et l'inviter ainsi à avoir des remords.

Le chantage peut aussi être une signification valable. En effet chez certains suicidaires on peut aussi noter le fait de mettre fin à sa vie dans le but de faire pression sur quelqu’un d’autre.

L’idée d’un au delà de toute façon meilleur par rapport au monde présent dans lequel il vit, inscrit le suicidaire dans un enfermement imaginaire.

Parfois il s’agit pour le suicidaire de passer à un niveau supérieur.

La notion d’auto-sacrifice peut aussi faire écho à la tentative de suicide.

La tentative de suicide peut être une lutte contre la punition d’une culpabilité.

Par ailleurs le suicide peut aussi s’inscrire dans la nécessité de risquer sa vie pour se sentir être. D’autres cherchent le défi par eux même et aux autres.

 

Les motivations qui poussent à se suicider peuvent être diverses. Néanmoins chaque tentative est à considérer dans son individualité.

 

 

 

[1] Peter Blos (1904-1997) théorise l’idée que le processus de désengagement des objets infantiles débute par une période de régression et passe par une forme de répudiation des parents pour accéder à l’individuation.

 

[2] Basé sur la comparaison entre l’adolescent et le processus de séparation du petit enfant décrit par Margaret Mahler(1897-1985).

 

psychologue paris 16
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